Moins on est de fous, plus il y a bouderie

"- Disons que je n'ai pas pour habitude que tu me concèdes si facilement le moindre point. Sans doute aurais-je apprécié un peu plus de discussion au véritable sens du terme."

Il restait volontairement brumeux dans ses propos, et zigzagant. C'est qu'il s'engageait dans une voie qu'il considérait comme dangereuse. Et qu'il ne pouvait s'enlever de la tête l'idée que Mina ne parlait pas naturellement.

Que ce soit une pensée absurde ou non, il pensait qu'elle aurait du se montrer plus piquante à l'égard du SdT. Un petit "comment se fait-il que Voldy ne soit pas pour le lavage de cerveau?" par exemple, aurait été plus que le bienvenu. Après tout, c'était bien pour cela qu'il l'avait prise au sein de son équipe. Pour sa liberté de penser. Parce qu'elle était le pendant des idéaux actuels.

Quoi qu'il en soit, il restait prudent, peu assuré quand aux raisons qui pouvaient empêcher Mina de s'exprimer avec franchise.
D'un autre côté, il n'avait jamais été le roi des relations sociales. Mina étant ce qui se rapprochait le plus d'une amie, créature aussi rare que le dahu, il était fort probable qu'il fasse erreur dans ses attentes.

Pour le reste, il agissait en parfait Snape qu'il était: un petit rictus amusé aux lèvres qu'il avait d'ailleurs fort tordues, et le regard narquois.

Mina songea à une réponse honnête, du genre "Je ne suis pas prête à te donner les cartes pour me faire tomber", mais cela aurait été bien trop explicite et idiot.
Elle sourit néanmoins, à propos de la petite pique de Snape et lui répondit sans détours :

Il faut faire attention à ce qu'on dit de nos jours, surtout en présence de certaines instances.

Cela résumait bien sa pensée première, mais c'était plus subtil, ambigu. Et au moins, Snape savait à quoi s'en tenir.
Elle conclut le tout par un mouvement peu habituel, qui contre-balançait complètement l'idée de ses dires : comme si elle le taquinait, elle donna un petit coup de coude à Severus et ajouta.

Ne t'en fais pas, je ne te concèderai pas souvent de points gratuitement, ce n'est pas comme ça qu'on arrive à te flatter, j'en sais quelque chose

S'incline sombrement, ne pouvant que lui concéder qu'il était maintenant une instance, et à dire vrai, il n'en était pas peu fier, surtout en l'entendant ainsi prononcé.

"- Quand on doit mesurer avec précision ses propos, on n'apprend rien."

La réponse de Snape, pleine de sérieux et de dérision à la fois, sonnait tel le glas dans la nuit.
Mais déjà, ils approchaient à portée de voix de l'entrée des trois balais.
Plus bas, Severus conclue, sentencieux et intense tout en se penchant vers la porte:

"- Si vraiment tu désires me flatter, ce que je ne te souhaite pas, ne te force surtout pas à le petitesse d'esprit. Ou je risquerais bien de m'en croire responsable."

Sur ce dernier point, Snape se mit presque à rire. Comment pouvait-on imaginer qu'il se croit coupable de la stupidité d'autrui, lui?! Tsss.
Puis il lui désigna le chemin à suivre, un brin impatient de devoir attendre pour passer à son tour.

Mina lança un regard amusé à Snape avant de le précéder à l'intérieur de l'auberge. Elle le laissa ensuite prendre les devants, mais pas avant de lui avoir fait part en douce d'une dernier commentaire :

Je n'en crois pas un mot.

Puis elle s'effaça sobrement, consciente du fait que leur présence ne passait pas inaperçue. Mme Rosmerta fut la première au garde à vous, se précipitant vers le directeur en renversant un verre au passage. Snape était décidément devenu une véritable instance.

"- C'est que j'ai perdu l'habitude de mentir, dans ce cas. Devenir une instance fait cela, parait-il."

Et voila qu'il retroussait sa lèvres supérieure en ce qu'il savait faire de plus proche d'un rire. L'expression passa en un éclair sur son visage, le temps de marquer l'ironie de sa remarque.
L'attitude recomposée, il pénétra à son tour dans la salle, souverain. Cet instant où il lui avait échappé qu'il pouvait réclamer tout ce qu'il désirait était bien loin maintenant, et sans marquer la moindre hésitation, il se contenta de hocher la tête à l'intention de la tenancière, puis de désigner l'étage du haut avant de s'engager vers l'escalier y menant.
Conscient de la baisse plus que sensible du niveau sonore ambiant, il se hâta de saluer aussi brièvement et poliment que possible, avant de s'éclipser.
La commande ne tarderait pas, lui assura-t-on.

Cette fois-ci, oubliée la galanterie, il prit les devants jusqu'à poser sa cape dans un coin et prendre place dans un des fauteuils présents.
Le temps que les boissons arrivent, et que Rosemarta papote un peu histoire d'échanger quelques nouvelles (chacun s'assure de sa survie comme il peu en cette jungle hostile), puis Mina et Severus se retrouvèrent seuls, l'ombre de l'attitude un brin hostile, même si prudente, de la tenancière pesant encore dans l'air.

"- La capacité d'adaptation de ce genre d'endroit m'étonnera toujours... Un jour il accueille Dumbledore avec tous les égards possibles, et le lendemain ils en font autant avec son pire ennemi."

Sur ce, il attrapa son verre d'hydromel et en contempla le liquide à la lueur du feu.

"- Intrigant, n'est-ce pas?"

Mina ne fut pas étonnée du trait d’humour de Snape mais bel et bien de son petit sourire. Elle aurait pu les compter sur les doigts d’une main depuis qu’elle le connaissait.
Elle avait toujours interprété ceci comme une marque d’ego de la part de son camarade. Oh oui, elle savait combien Severus s’estimait et cela l’intriguait de voir ce garçon vivre parmi les autres comme s’il était au-dessus de tous. C’est du moins ce qu’elle s’imaginait de ses pensées. Et quelque part, elle pouvait le comprendre, s’estimant elle aussi au-dessus de la moyenne. Snape avait seulement une manière bien à lui de le montrer et c’était toujours très furtif.
Mina se contenta donc de lui lancer un regard amusé, pas tant parce que ce qu’il venait de dire était drôle mais parce qu’elle se plaisait à observer Snape comme on essaie de comprendre l’essence d’une potion.

Elle le suivit dans la pièce du haut et ne s’installa que lorsqu’il eut pris place sur un fauteuil, après s’être débarrassée elle aussi de sa cape. Comme toujours, Mina était très élégante. Sa robe aux reflets d’émeraude vint contraster avec l’ocre sobre des sièges alors qu’elle s’installait presque face à Severus. Elle s’apprêtait à lui parler lorsque Mme Rosmerta fit de nouveau apparition. Quelle rapidité !
Après les banalités auxquelles elle répondit de façon expéditive, elle se tourna de nouveau vers Snape et se saisit de son verre alors qu’il se mit à parler. Les mots parvenant à son esprit, elle se raidit légèrement, ralentissant son geste comme si elle devait soudain se montrer très prudente. Voilà à présent que Severus parlait lui-même du sujet tabou… dans quel monde vivait t-on ?

La jeune femme releva les yeux sur lui, s’enfonçant de nouveau dans son fauteuil pour y être confortable. Son visage aux couleurs contrasté par le feu paraissait sombre et étrange. Ou peut-être était-ce l’esprit de Mina qui voulait l’interpréter ainsi. Elle-même devait sans doute afficher une expression profonde bien qu’impassible.

L’hypocrisie n’est pas intrigante. L’humain a toujours appris à s’adapter pour survivre, allant parfois très loin.

Elle posa son verre sur sa jambe, le regard fixé à Snape. Sa voix n’avait pas changé mais le ton sur lequel elle avait prononcé ces mots signifiait clairement qu’elle faisait allusion à autre chose. A lui, en l’occurrence.

Rosmerta n’est pas idiote, elle sait qu’elle perdrait son travail si elle te défendait l’entrée, peut-être même la vie. C’est le pouvoir que tu as sur autrui que je trouve intriguant. Et la peur que tu inspires.
Elle fit une moue.
Disons plutôt que je me demande quelle impression ça peut te faire…
Puis elle ajouta pour conclure, comme s’il s’agissait d’un sujet banal :
Pour le reste, je me doute que trahir son supposé camp et tuer son leader sont deux raisons qui suffisent au commun des mortels pour saisir le concept de crainte et de méfiance.

L'évocation de sa trahison et de la mort de Dumbledore en auraient fait ciller plus d'un, mais pas Snape. Impassible, il se permit même un petit sourire mauvais en coin, plutôt fier, quelque part, de ce tableau qu'elle peignait. Consciencieusement, il écarta la petite voix qui lui disait d'être blessé par ces paroles. A dire vrai, il y avait bien longtemps qu'elle ne s'était plus faite entendre.
L'armure qu'il portait était bien trop épaisse maintenant. A tel point qu'il se permit même une digression sans intérêt.

Concernant Rosemerta:

"- Qu'elle s'écrase est une chose. Qu'elle reste en est une autre. Le résultat est le même. Sans doute devrait-on faire raser cet endroit."

Secoue la tête, exprimant par là-même tout le dédain qu'il ressentait à l'égard de ce genre de comportement. Mais soit! Le sujet ne méritait pas qu'on s'éternise dessus, et pour cause. Il ne l'avait évoqué que pour mieux orienter Mina vers le sujet de Dumbledore. Et à ce sujet, elle avait superbement saisi la perche, il ne pouvait que s'en réjouir.
Cela, il avait un peu plus de mal à ne pas le révéler.

Aussi resta-t-il particulièrement mesuré dans ses propos, même s'il était possible de sentir un changement subtile dans l'atmosphère. Snape était particulièrement attentif, tendu vers Mina comme un chat le serait vers une souris venant à passer. Repu, il ne ferait sans doute rien pour l'attaquer, mais il aimait à l'étudier.

"- Je suis étonné que tu n 'ai jusque là jamais évoqué le sujet de Dumbledore. Pourquoi tant de réserve?"

Question piège s'il en est, et il en était on ne peut plus conscient. Buvant une autre gorgée, il observa mina par dessus son verre, le liquide, à la faveur du feu, projetant une étrange danse de tache ambrée sur son visage.

La jeune femme prit une gorgée alors que Snape parlait de supprimer l'endroit. Elle n'aurait pas dû y penser, mais cette idée la choqua bien qu'elle n'en laisse rien paraître. Aussi, c'est sous un masque de dureté qu'elle esquissa un sourire mauvais à la suggestion. Severus ne manquait pas d'humour, se dit-elle, en un sens.

Elle reposa son verre contre sa jambe et resta statique, là, à l'écouter parler de Dumbledore en toute liberté. Cette fois, elle était complètement prise au dépourvu et elle se félicita de ne pas avoir été en mouvement lorsque la question était tombée, sinon elle se serait figée. Là demeure tout l'intérêt de bouger le moins possible : lorsqu'on se tient tranquille, il est plus difficile de remarquer un changement d'attitude provenant d'un choc. Et Mina était choquée. Son rythme cardiaque s'accéléra alors qu'elle fixait Snape avec intensité. Elle ne cillait pas, mais elle mit quelques secondes avant de répondre, la voix grave et quelque peu cinglante :

Je n'ai pas envie de t'entendre étaler ta fierté à avoir vaincu l'un des sorciers les plus puissants que le monde ait connu.

Curieusement, elle n'avait répondu que la pure vérité, même si elle avait des tas d'autres choses à rajouter sur le sujet. Comme ce qu'elle ajouta en détournant le visage.

Ce serait déplacé.

Plus que tout, il lui fallait rester extrêmement prudente sur les éléments dont elle pouvait parler librement. Elle n'était pas sensée savoir ce que l'Ordre avait pu lui confier sur le sujet : très peu de toute façon. Mais d'un autre côté, c'était aussi son sujet tabou. Elle ne pouvait, ne voulait pas croire que Severus ait pu tuer Dumbledore sans remords, sans raison. Et ce qu'elle voyait à présent lui renvoyait une dureté qu'elle ne souhaitait pas regarder en face.
Elle revient à lui, pourtant, consciente du fait que fuir son regard n'était pas bon, tout comme cela l'empêchait de l'étudier.
Pourquoi Snape évoquait de lui-même restait une question en suspens, mais cela ne la rendait que plus suspicieuse quant aux raisons de cet entretien.

On aurait presque dit que Snape s'amusait, au regard qu'il lançait à Mina. Un rictus sardonique en coin, et le regard bas, il jouait doucement avec le contenu de son verre. Les ombres jouant sur son visage faisait ressortir chacun de ses défauts, du grand nez crochu jusqu'aux pommettes saillantes.

Dans des instants comme celui-ci, Snape se sentait comme le fils du diable, et il avait l'air qui allait avec.

"- Dumbledore était vieux et affaibli. Je ne vois pas de quoi je me vanterais..."

Froid et distant, son ton en disait beaucoup et peu à la fois, le plus difficile étant de faire son choix.

"- Non, la question de sa puissance n'a vraiment aucun intérêt."

Savourant, quelque part, le pouvait qu'il avait entre ses mains, il planta son regard dans celui de Mina, un peu défiant. Il savait pouvoir mettre n'importe qui dans l'inconfort en abordant ce sujet, Voldemort y comprit.

Le tout, pour le moment, était de savoir si Mina oserait répondre à la question silencieuse (et piège) qu'il lui posait: savait-elle ce qui avait de l'importance?

Du tac au tac elle répondit :

Quel est l'intérêt d'en parler alors ?

Elle émit une sorte de rire très sec et distant. Elle savait qu'elle devait se méfier de lui. D'ailleurs, chaque matin elle s'étonnait d'être encore en vie. De là à le lui dire...

Quel est ton intérêt ?

Elle avait quelques suggestions mais cette question la torturait tellement dans le moment présent qu'elle n'avait plus beaucoup de répartie.
Snape pouvait sans doute sentir qu'elle commençait à être sur la défensive, mais elle ne s'en faisait pas trop pour ça. Elle avait des raisons très logiques pour l'expliquer.

"- Moi? Je n'en ai aucun. Pas directement du moins."

Mystérieux sur ce dernier point, il ménagea son effet:

"- La question de sa confiance est nettement plus intéressante, ne penses-tu pas?"

Cette fois-ci, il donnait clairement l'impression d'avoir décoché sa flèche, regard planté dans celui de Mina.

Cette fois elle répondit très froidement, comme si elle s'était toujours attendu à cette question alors que rien n'en était. Mais lorsque Mina se sentait sur le fil, affrontant des situations qu'elle ne pouvait pas maîtriser, elle avait toujours eu la capacité de se replier sur elle pour faire en sorte d'oublier tous ses sentiments, tout ce qu'elle était. C'était un processus d'auto-défense qu'elle avait développé depuis son plus jeune âge et qui l'avait aidée à se construire. Les gens pensaient qu'elle était froide, distante, que son coeur était de glace car elle affichait toujours un contrôle d'elle-même quasiment irréprochable. En réalité, elle n'avait fait que combattre ses peurs et ses souffrances toute sa vie. Parfois, bien sur, il lui arrivait de faillir et de laisser les autres voir en elle. Mais cela n'était pas arrivé souvent, et cela n'était pas prêt d'arriver face à Snape.
Touchée au plus profond par les mots de Severus, elle se ferma donc et rétorqua :

La seule question que je me pose est comment tu l'as gagnée ? Comment, après tout ce qui s'était passeé, as-tu pu faire croire à Dumbledore que tu étais de son côté ?

Ce n'était pas véritablement une question. Et sans se démonter, elle y apporta une réponse :

Et je ne vois qu'une réponse possible, Severus : tu lui as dit la vérité.

Ses mots étaient lourd de sens, elle en avait conscience. Mais elle n'avait rien dit en fin de compte. Juste des sous-entendus, ce que Snape s'appliquait également à faire, même s'ils n'allaient sûrement pas dans la même direction.

A la remarque pertinente de Mina, Snape ne put que se blinder encore un peu plus.

"- Comment faire croire aux deux plus grands sorciers de notre temps, à ces deux opposés, que je suis de leur côté?"

Oh oui, il était génial, pas de doute.

"- Car c'est bien de ça qu'il s'agit..." ajouta-t-il, presque négligemment;
" D'un autre côté, peu importe mes relations personnelles avec ces deux mages, quand c'est de ta propre survie dont il s'agit."

Un autre que lui aurait surement esquissé un petit sourire mielleux et hypocrite à ce moment-là, mais Snape n'en avait pas besoin tant son regard semblait pouvoir transpercer n'importe quoi.

Mina était de plus en plus perdue quant aux raisons qui poussaient Snape à la faire réfléchir sur le sujet. Elle se tut un instant, presque impressionnée par le regard de son opposant. Pourtant, lorsqu'elle répondit, rien ne montrait qu'elle était perturbée par cette discussion. Et en oubliait même d'avoir un peu plus froid aux yeux :

ll est plus facile de mentir à celui qui n'a pas de coeur. C'est d'une logique implacable.

C'était encore une fois aller trop loin, mais qu'importe. Elle était prête à dire ce qu'elle pensait, car elle savait de toute façon qu'il lui prouverait facilement qu'elle avait tort.
Elle ne pouvait nier, tout de même, la véridicité de ses dires. Snape avait fait fort, quoi qu'il en soit et elle l'admirait - si on peut dire - pour ça.
Quelque chose la titillait néanmoins, sur la dernière phrase de l'homme. Il aurait fait n'importe quoi pour survivre, voilà ce qu'il disait à ses oreilles.

Se contente de hausser un sourcil dubitatif, la testant, toujours;

"- Penses-tu que j'aurais le moindre mal à te mentir, sous prétexte que tu as un coeur?"

Ce n'était qu'une façon d'esquiver sa réponse, qu'une façon de négliger tous les sous-entendus qu'elle venait de lâcher. Voilà comment elle vivait la réponse de Snape, même si sa logique était bien plus implacable que la sienne.

Je ne suis pas Dumbledore.

Et pour cette raison, elle commençait à voir les failles contenues dans sa réponse précédente. Alors elle grimaça et ajouta d'elle-même :

Dumbledore était un vieux fou bien trop sentimentaliste.

Et il était surtout prêt à croire que tout le monde avait un bon fond. Ce qui ramenait la pertinence de sa remarque précédente à l'échelon zéro. Voilà, Snape venait de la démentir et ça ne lui plaisait pas.
Une fois encore, ses arguments se retournaient contre elle. Il était plus facile de mentir à celui qui avait un coeur, car on pouvait le manipuler.
Mais peu importait, elle était déjà passée par là et elle ne voulait pas voir Snape de cette manière. Même si tout était contre lui, elle ne le pouvait pas, c'était au dessus de ses forces et elle ne se l'expliquait pas.
Soudain, elle eut envie d'avoir une réaction déraisonnée. Elle eut envie de se lever et de lui crier qu'elle ne le croyait pas, qu'il n'aurait jamais pu faire ça et qu'elle savait qu'il avait un coeur. Mais elle n'était pas du genre à succomber à des épanchements en mode guimauve. Du moins pas avec lui.
Frustrée, elle se contenta de rester stoïque et d'avouer la défaite :

Très bien, j'admets que ce n'est pas un argument recevable.

Soudain sèche, presque agressive :

Et alors, qu'est-ce que tu cherches à me prouver ? Que tu es un génie ? Que tu es prêt à tout pour assurer ta survie ?

Un petit sourire fier de lui en coin, Snape prit le temps de savourer sa victoire avant de répondre. Sans le savoir, Mina s'était engouffrée dans une voie sans issue.

"- Je n'ai rien à prouver."

Toujours, il prenait son temps, mais pour mieux mesurer chacun de ses propos, en évaluer le risque.

"- Toi, par contre... Maintenant que nous nous sommes mit d'accord sur le fait que je ne suis pas un homme de confiance, dit moi ce que tu viens faire à Poudlard."

Mina ne l'avait pas vu venir. Pourtant, elle aurait du. Voilà qui ne la rassurait pas à propos d'elle-même. Elle c'était fait bernée à la première occasion. Ca lui apprendrait à vouloir répondre ) des questions dont elle ne connaîtrait jamais les réponses.
Elle se mit à rire, doucement mais sincèrement, alors que plus d'un se serait liquéfié sur place.

C'est donc de ça dont il s'agit.

Elle but une gorgée, soudain plus détendue.

Tu n'avais pas besoin de me prouver que tu n'es pas un homme de confiance pour en arriver là Severus, je le sais déjà. Tout comme je sais que tu as ma vie entre tes mains.

Elle se pencha légèrement vers lui, le regard intense malgré le sourire qui bardait son visage.

La séance d'intimidation ne m'a pas intimidée. Et tu connais déjà la réponse à ta question.

Elle était peut-être inconsciente mais elle n'avait pas peur.

Snape, par contre, n'avait aucune envie de rire, comme le montrait son grand sérieux.

"- Surement parce que la séance d'intimidation n'en était pas une... Je te faisais juste part de mon raisonnement. Albus avait une bonne raison de remettre sa vie entre mes mains. D'évidence, tu n'en as aucune."

Clair et concis. Il allait cette fois-ci droit au but. Il aurait pu en dire plus, mais s'en garda. Laisser Mina dans le flou serait sans aucun doute bien plus révélateur. Quant à lui, il savait où il allait et avait tout son temps.

Elle ne se débina pas, même si elle se maudissait de n'avoir pas compris cela d'elle-même. Que lui arrivait-il soudain, elle qui était d'ordinaire bien plus perspicace ? Il fallait croire qu'elle avait perdu le pli avec Snape et cela s'avérait embarrassant.
Mais plus important encore, Mina nota le changement dans l'emploi des mots de Snape. Albus, tout d'abord. Ce qui signifiait qu'il était bien plus proche de son ancien directeur qu'elle ne l'aurait pensé. Ensuite, elle ne voyait pas dans la conversation qu'elle venait d'avoir ce qui avait bien pu servir de raison audit Albus de placer sa vie dans les mains de Snape. Peu importe, elle aurait le temps d'y penser plus tard.

"D'évidence", certainement. Mais tu devrais savoir que je ne propose que peu d'évidences.

Elle se renfonça dans son siège.

Disons qu'il est préférable de risquer sa vie en faisant quelque chose d'utile plutôt que de la risquer à ne rien faire. Et qu'à choisir, je préfère te la confier que la laisser aux autres mangemorts.

Elle parlait d'un ton négligent, comme si elle racontait une bonne blague - ce qui n'arrivait jamais. Le plus agréable dans tout cela, c'est qu'elle n'avait pas besoin de mentir. Mais cela ne l'empêcha pas de le charrier là où elle savait que ça ne passerait pas :

Que veux-tu, je t'aime bien, je n'y peux rien.

Citation :

"D'évidence", certainement. Mais tu devrais savoir que je ne propose que peu d'évidences.

Froid et implacable, histoire de bien mettre les choses au point:

"- Un luxe que tu ne peux plus te permettre, je le crains."

A la petite plaisanterie de Mina, une décision fut prise du côté de Snape. Le rôle qu'il jouait, il allait le pousser jusqu'au bout, lui montrer ce qu'il pouvait faire. A elle d'en tirer des certitudes et de savoir quel chemin elle pouvait se permettre d'emprunter. Pour sa part, Severus ne la laisserait poursuivre que s'il savait qu'il pouvait un minimum lui faire confiance.
A gestes mesurés, Snape se pencha vers Mina, un masque dur et implacable pour visage:

"- Soyons bien clair, Miss Malloy. En début de soirée, je n'étais déjà pas d'humeur à plaisanter. Selon toute considération, il y a donc peu de chance pour qu'il en soit autrement maintenant."

Chacun des mots prononcés était emprunt d'une incroyable force, à l'image d'un engrenage, alors que pas un seul instant le volume de sa voix ne dépassa celui d'une confidence.
Quelques mensonges s'y cachaient, aussi, mais ils faisaient parti du rôle que Snape jouait, de son masque de mangemort.

"- Tu avais bien d'autres choix que de venir sous la coupe mangemort. Tu as choisit ma protection en sachant que tu ne pouvais pas me faire confiance. Ce n'est pas un choix réfléchi. C'est un acte désespéré."

Et bam, prend toi ça. Et essaye donc de trouver une bonne justification alors que tu te trouves sous le plus puissant des projecteurs qui soit.

Mina avait appuyé sur le bon bouton et cela avait fonctionné comme elle l'avait prévu. Peut-être un peu plus qu'elle ne l'aurait espéré. Elle perdit son sourire, mais pas les étincelles qui habitaient ses yeux. Elle était impressionnée, oui, mais elle ne le montrait pas.

Tu parles pour ne rien dire, apportant les réponses à tes propres questions.

Elle ne cillait pas, conservant ce lien du regard qui les unissait. C'est très calmement qu'elle se mit à parler :

Je n'ai pas honte de ce que je suis ni de ce que je fais. J'ai agis plus d'une fois par désespoir mais je n'ai jamais perdu de vue mes objectifs. Avant que tu m'engages, j'ai été plus que claire à ce sujet : quel que soit le monde dans lequel je vis, je vise toujours le point culminant. Poudlard n'est qu'une passerelle sur le chemin que j'essaie de tracer.

Elle marqua un arrêt, extrêmement sérieuse à présent.

J'ai choisi la coupe mangemort parce qu'il est évident à mes yeux que c'est l'instance qui restera en place pour les années à venir, que c'est la plus puissante et la mieux organisée. Je ne l'ai pas choisie pour ses idées, tu le sais. Mais j'ai une capacité d'adaptation impressionnante et je n'hésiterai pas, tout comme toi, à écraser ceux qui resprésentent un obstacle sur ma voie.

Il n'y avait aucun doute dans sa voix, mais soudain elle laissa transparaître une faiblesse qu'elle faisait exprès de ne pas cacher :

Choisir l'autre côté, à l'époque, ne m'a rien apporté de bon. Et maintenant que j'ai perdu l'homme que j'aimais, après avoir gâché des années auprès de lui, des années à le soutenir dans sa folie et sa maladie, je ne suis plus prête à penser aux autres.

Pour conclure, elle n'employa pas une formulation à la légère.

Je suis devenue comme toi, Severus. C'est pour ça que je t'ai choisi.

Pour la première fois, Snape eut un mouvement d'humeur. Il ne supportait que difficilement qu'on le prenne pour un idiot, et c'est pourtant bien ce que faisait Mina. S'il parlait pour ne rien dire? Foutaises!

Prêt à user de sa légilimancie, cette fois-ci, Snape la coupa rapidement. Il était sur de sa logique, et son raisonnement était sans faille. Les arguments de Mina n'étaient là que pour noyer le poisson, ce qui l'énervait plus que tout.

"- Il suffit!"

Son intervention avait la puissance du tonnerre, mais ne résonna pas plus fort qu'un "merci" glissé entre deux conversations au coin du feu.
Si les mensonges et faux semblants enserrés dans la trame de cette conversation étaient la cause de son courroux, il n'en laissa rien paraitre, transformant sa colère pour mieux la faire passer pour de l'autorité.

"- je n'ai que faire de tes justifications. Que ce soit par inconscience ou stupidité, tu as fait ce choix. Me servir les discours dont nous usions dans la salle commune de Serpentard n'y changera rien."

Qu'elle se le dise, il n'était plus cet adolescent facilement impressionnable qu'elle avait connu. Il s'était fait sa propre voix, aujourd'hui, et si le dévoiler à qui que ce soit d'autre aurait surement été une erreur, devant Mina, il n'hésita pas à en faire montre. Ensuite, le voila qui en arrivait au point essentiel:

"- Mais dit moi... Que ferai-je de toi? Un électron libre dans mon entourage est bien la dernière chose dont je puisse avoir besoin. Donne moi une seule bonne raison de te laisser ta place alors qu'il est évident que tu caches beaucoup de choses."

Qu'elle essaye de nier, pour voir. Mais elle ne pourrait pas échapper à la force de sa légilimancie.

Elle se raidit malgré elle, peu contente de la tournure des événements. Mais si elle était impressionnée, elle n'avait toujours pas peur. Elle savait que tout ceci pouvait être décisif et lui faire rater sa mission.
Sur le même ton tranchant, elle répondit en le regardant droit dans les yeux, butée :

Pourquoi ne me dirais-tu pas plutôt la raison pour laquelle tu m'as engagée ? C'est toi qui a fait ce choix et si tu me parles de la sorte aujourd'hui, c'est que tu dois le penser depuis le début.

Elle avait conscience d'esquiver encore une fois mais elle n'était pas certaine de la voie à prendre alors que Snape en disait beaucoup plus qu'il n'aurait du le faire. Menacée, elle se retranchait de plus en plus dans les confins de sa personne.

D'un geste, il balaya sa remarque. Il y avait déjà répondu, et c'est avec un grand déplaisir apparent qu'il du se répéter.

"- Comme je l'ai dit, tu aurais du poser certaines questions. Que tu ne l'ai pas fait est révélateur."

La lèvre supérieure se soulevant sous l'effet d'une menace presque palpable, Snape insista.

"- Ne m'oblige pas à me répéter. Tu as parfaitement compris ce que je désirais savoir."

Que sa question d'origine soit rhétorique ou pas, il faudrait que Mina y apporte une réponse, se positionne clairement par rapport à Snape.
Sans cela, ils ne pourraient pas poursuivre leur route côte à côte.
Que Snape essaye de faire d'elle un partenaire sur qui il pourrait compter était loin d'être évident, pour l'instant, mais c'était pourtant bien cette relation qu'il tentait d'établir en lui forçant la main.