Les dents longues

Se coupe dans sa conversation, qu'il aurait sans doute appréciée si son interlocuteur ne s'était pas trouvé être un sombre idiot.
Tourne lentement le visage vers la porte alors que, instinctivement, ses narines cherchent à deviner qui se trouve derrière. Cette odeur...
Avant même que l'un de ses collègues n'ait bougé, élève la voix :

Entrez.

Marque un arrêt avant d'ouvrir la porte pour de bon, lentement. Prend le temps de regarder qui est présent, portant ses yeux successivement sur chacun des professeurs, pour finir par Barker.
On pouvait sans peine parler de grâce toute maîtrisée, tout comme le salut qu'elle devait adresser à l'assemblée était suffisamment aimable et entraînant pour que l'idée ne vienne à personne que son arrivée était une intrusion.
C'est sans la moindre hésitation qu'elle avança dans la pièce, vers Barker, comme si elle était en territoire conquis. Il fallait dire que la présence d'autres personnes, dont son professeur de politique étrangère, lui apportait toute l'assurance dont elle craignait manquer en face du seul Barker.

Excusez mon intrusion, professeur. Soyez assuré que si j'avais pu m'entretenir avec vous tout de suite à la fin du cours, je l'aurais fait.

Ce qui n'était pas tout à fait faux, mais pas parfaitement vrai non plus. Alors qu'elle se trouvait devant lui, elle s'arrêta et détourna un instant le visage vers le professeur le plus proche. La pensée l'effleura un instant, que finalement, elle aurait préféré qu'il n'y ai pas de témoins.

Pourriez-vous m'accorder quelques instants?

Pures formalités, mais en public, elles étaient de rigueur.

Assis sur son fauteuil pourpre, demeure dans la droiture de sa posture, tout en affichant un air décontracté. Ce territoire là était le sien. Suit de son seul oeil visible la progression d'Artémis dans la pièce mais sans avoir l'air de lui accorder une réelle attention.
Croise les mains alors qu'elle lui parle, impassible. Silencieux suite à sa demande, prend son temps pour se lever, sans répondre. S'empare de sa canne puis amorce un mouvement vers la sortie. Tourne un instant la tête vers Artémis pour l'inciter à le suivre.

Une fois hors de la salle, se met à arpenter le couloir. Alors seulement, demande :

Que puis-je faire pour vous "précieuse" ?

Empêche un sourire salace de fendre son visage (ah non, ça c'est moi XD pardon)
je disais donc...


Ne sait si elle doit se réjouir ou pas, mais avec une dernière inclinaison de la tête, sort de la pièce à la suite de son professeur, un peu étonnée de se voir attribuer le privilège de tant de discrétion.
On aurait presque dit qu'elle se voyait offrir un quart d'heure d'intimité avec lui.
Un peu à la traine, le rattrape en accélérant le pas, juste le temps de sourire en le regardant claudiquer, de dos. Non, vraiment, il n'avait rien pour lui. Et pourtant... Ce n'était pas pour rien qu'elle avait fait ce rêve étrange.
une fois qu'elle l'a rejoint, répond à sa question, sans ambages.

J'aurais besoin de l'appui d'un enseignant, pour mener certaines recherches. J'ai tout de suite pensé à vous.

Lève les yeux sur son profil, attendant qu'il pose la question qui s'imposait après cette entrée en matière, ou au moins qu'il lui signifie de continuer.

Commente :

Curieuse pensée.

Stoppe soudain le pas afin de se positionner face à elle.

De quelles recherches s'agit-il ?

Se fige sur place, le menton se redressant sensiblement par un réflexe maintenant bien connu.

Historique, social...

Balaye le tout d'un geste vague alors qu'elle essaye de ne pas se démonter, regard planté dans celui de barker.

J'aimerais comprendre les fondements de notre civilisation, pour mieux éclairer ce qui lui arrive aujourd'hui. Les livres de la bibliothèque à ce sujet ne sont que poudre aux yeux bienveillante et aseptisée en la matière. J'aimerais avoir accès aux archives du ministère des auditions du conseil des hauts mages de l'an 1659 (on va dire que c'est juste avant que ce conseil officieux devienne un gouvernement officiel).

Elle savait en demander beaucoup pour une première année, et surtout pour une dictature nouvellement établie.
Esquisse un sourire en coin

Pensez-vous que je vois trop grand?

Conserve un air impassible alors qu'il se contente de la fixer pendant qu'elle s'exprime.

Sans le moindre doute.

Reprend sa marche.

Croyez-vous que les archives ne soient pas aseptisées, elles aussi ?

Poussiéreuse, sans aucun doute, aseptisée, ce reste à vérifier. J'ai bon espoir. On ne touche pas si facilement à un héritage de cet ampleur, on se contente de le cadenasser.

Insiste, la question lui tenant à coeur.

Voir trop grand risque-t-il d'être un problème à vos yeux?

Rigole à demi de la candeur de cette question. D'une voix aux consonances étranges :

Tes choix t'appartiennent, tout comme leurs conséquences.

Pose un regard en biais sur elle, alors que son pas résonne sur les dalles du château.

Es-tu prête à assumer ce choix ?

A son rire, sent son coeur s'emballer. Sans qu'elle puisse se l'expliquer, ses réactions la touchaient toujours plus que de raison. Rationalisant le tout, et se répétant qu'elle devait se contente d'apporter de l'importance aux mots qu'ils prononcent et non à la possible moquerie dans son rire, se force à se comporter naturellement.


En mon nom propre, je ne pourrais jamais obtenir ces documents, c'est la raison pour laquelle je me suis tournée vers un enseignant. Vers vous.
Pour ma part, je n'ai jamais eu le moindre problème avec mes choix. je ne les fais qu'au nom de nobles objectifs: le savoir et le progrès.

Sans aucun doute, des archives d'un autre temps recèlent des trésors d'enseignement... Et c'est bien pour cela que nous sommes ici; apprendre?

Pour conclure sa démonstration, porte un regard interrogatif sur Barker. Elle était bien consciente qu'il n'y avait pas que ça comme motivations possibles, mais axer sur cet aspect était ce qu'il y avait de mieux. Nombreux étaient ceux qui s'en contenteraient si ils n'avaient pas un intérêt de base pour cette période atypique, et la façon dont les nobles de l'époque se sont constitués en puissantes oligarchie.

Usant malgré lui d'un instinct qui le pousse à ralentir encore le pas, ressent les vibrations de la jeune fille.

Beau discours.

Sourit en coin, alors qu'il s'arrête de nouveau, dressé de toute sa personne face à elle.

Supposé m'inciter à trouver l'idée suffisamment osée pour que je l'accepte ?

Baisse légèrement le visage, comme pour mieux l'observer en silence. Ainsi faisant, l'empêche de répondre alors qu'elle en meurt d'envie, troublant sa perception d'elle-même. Ce n'est qu'une fois le regard détaché d'elle, et le charme rompu, qu'il poursuit dans un murmure grave :

Qu'es-tu prête à offrir en contrepartie ?

Cille, manquant se laisser submerger par une émotion aussi intense qu'étrange. Un vertige? Non, ce n'était pas ça. Elle était tout bonnement devenu incapable de se maîtriser. Fort heureusement, l'incident avait été assez bref pour qu'il n'y ai pas de conséquence détestable.
Se faisant violence, elle se redressa, à la recherche de ses pensées pour les rassembler.
La réponse finit par venir, un peu à retardement, et le regard cette fois baissé, comme momentanément vaincue.

Je pensais que ces écrits pourraient vous intéresser, vous aussi. Si l'élève y gagne, le maitre ne peut que s'en réjouir, n''est-ce pas?

Un instant elle pensa se mordiller la lèvre avant de s'en empecher, au dernier moment. Dans un sursaut de défiance:

Il s'agit là de votre choix propre. A vous de savoir y trouver votre intérêt.

Et relève les yeux sur son visage.

Se délecte intérieurement de la voir ainsi agir et parler.

Je connais ces écrits depuis longtemps, "fillette". Mon intérêt se situe bien au-delà.

Sourit, étrange, presque effrayant malgré le charme qu'il affiche à la perfection.

Je t'aiderai à te procurer ces écrits.

Se positionne de façon telle qu'il plonge son regard dans le sien.

Mais tu apprendras qu'il y a toujours une contrepartie.

Marque un silence, court, neutre. Puis se meut de nouveau, effleurant avec subtilité la jeune fille alors qu'il se tourne afin d'avancer. Retrouve un timbre de voix plus habituel :

Te voir apprendre est une récompense pour le professeur que je suis et les leçons que je m'emploie à vous donner. Ces recherches n'entrent cependant pas tout à fait dans le cadre de mon travail ici. Aussi te demanderais-je de respecter la discrétion qui s'impose quant à mon aide. Tout comme tu devras accepter le fait que mon enseignement particulier pourra prendre fin si tu ne réponds pas à mes attentes.

Fronce les sourcils, au "fillette", ce surnom lui déplaisant chaque fois un pue plus. Il y avait longtemps qu'elle estimait s'être débarrassée de cette image déplaisante de petite fille de faïence qui lui avait collé à la peau chaque fois que son père la sortait dans une réception, et se voir retourner quelques années en arrière n'avait rien de plaisant. Elle aurait aimé lui demander quels étaient cet intérêt et cette contrepartie évoqués, mais n'avait pu s'y résoudre sur le moment. Encore cette sensation d'hypnose, d'envoûtement, chaque fois qu'elle se plongeait dans ce regard.
un peu plus et elle était prête à avouer qu'elle ferait tout ce qu'il attendrait d'elle. Pure folie!
En lutte entre le délice que provoque la tentation de se laisser entraîner par le grand méchant loup et la peur de perdre le contrôle, Artémis réprima un frisson en laissant à regret l'homme s'éloigner.
Si elle devait révéler toute la réalité de son attirance pour lui il n'aurait de cesse de s'en moquer et de l'affubler de petits noms tous plus grotesques que l'actuel.
Non, plutot que de tomber bêtement dans ses filets, elle lui montrerait ce que c'était que d'être une Prewett.
Sans réel conscience du fait que son retour à la raison ne soit pas totalement de son fait, se réjouit de retrouver contenance. Encore une fois.
Prudente, se contente d'un "ça me parait plus que juste. Je n'ai pas pour habitude de décevoir mes professeurs."

Se disant, elle avait légèrement pivoté pour garder les yeux sur lui. Mais elle ne semblait pas devoir le suivre, se demandant si la fin de l'entretien arrivait.

Esquisse un sourire en coin :

Je ne suis pas n'importe quel professeur.

Une nouvelle fois, arrête son pas tandis qu'il ne se tourne que légèrement vers elle. L'oeil rivé sur elle, semble demander s'il a autre chose à entendre.

Alors je ne serais pas n'importe quelle élève.

En suspens, le temps de formuler sa réponse à la question silencieuse de Barker.

Quand commencera cet enseignement?

Retrouve moi dans mon bureau à 18 heures.

Ceci dit, ne prend pas la peine de conclure cet entretien un peu particulier. Reprend sa marche abîmée dans les couloirs du château. Heureusement, la présence de Prewett lui avait donné une excuse pour ne pas reparaître en salle des professeurs.

Si tot? S'en trouve surprise, mais ne peut que s'en réjouir. Elle avait hate de pouvoir feuilleter ces archives, et regrettait un peu d'avoir du s'adresser à Barker puisque ces documents semblaient si facile à obtenir. mais quand bien même! Tout ce qui comptait, c'était d'avoir satisfaction et sans avoir faire preuve de trop de patience, pour changer.
Sans élever la voix.

j'y serais.

Puis s'en va à son tour.

**********

18H00 venu, se rend au bureau de Barker et frappe à sa porte, un sac remplit de livres sur le sujet qu'elle souhaite aborder en bandoulière. A la différence de plus tôt dans la journée, a uniquement relevé ses cheveux en un chignon haut et lâche.
Carrément nerveuse, et se demandant si c'est une bonne idée d'aller s'enfermer avec Barker, tripote le cuir de son sac.

Dossier rangé, ramène ses mains gantées sur le devant de son bureau et les croise. Considère alors la jeune fille. Impassible, lui cède pourtant un regard intense, comme souvent.

Bien. Il est temps de convenir des règles qui dicteront ces entretiens.

Quitte ses mains des yeux, pour s'intéresser à ce qu'il disait. Le cérémonial de tout ceci lui plaisait bien, il fallait l'avouer.
Juste assez railleuse pour laisser poindre une touche d'impertinence.

Des règles...? Pour vous protéger de quoi?

De façon imperceptible, son oeil se fait plus perçant, aiguisé.
Impénétrable :

De ta naïveté.

Esquisse un sourire. Il savait qu'il touchait un point faible.
D'un ton plus professoral :

Le monde est régit par des règles. Des règles qu'il faut connaître, que l'on ai l'intention de les respecter ou non.

D'un mouvement si leste qu'il est à peine remarquable, se redresse légèrement.

Ta demande touche à des problèmes qui sortent de la portée simplement scolaire.