Ersatz

A l'entente d'un pas claudiquant ponctué par le rythme maintenant reconnaissable d'une canne, tourne la tête vers le nouveau venu.
Barker. Qui d'autre?
Se sentant en quelques secondes passer du statut d'étudiante anonyme à celui de cible, se redresse. Légèrement, seulement, elle n'avait pas pour habitude de se déplacer telle une ombre.
Même si elle avait perdu entre temps un peu de sa concentration, toujours focalisée sur l'approche de cette série de notes sonnant comme autant de cordes pincées avec précision, reprend sa consultation.
Apparemment, le rendu final dans certaines matières, changement radical, se ferait sous forme de dossier. Notamment dans le cours de Barker, ce qui n'était pas très surprenant.
Elle devrait aussi se pencher sur le choix d'un projet tutoré sous peu.
Une fois avéré que le professeur était à distance raisonnable pour un salut civilisé, se tourne complètement vers lui.

Elle attendit un instant qu'il lui fasse face avant d'incliner respectueusement la tête, selon les codes très établis de la bienséance. Voila qui constituait un petit clin d'oeil de sa part pour qui ne s'y trompait pas.

Professeur Barker...

Nul n'était question de s'imposer, il s'agissait uniquement de saluer un professeur.

Encore une fois, constate du léger changement d'attitude de sa délicate proie lorsque celle-ci remarque sa présence. Cette grâce majestueuse dont elle s'efforce futilement de grossir le trait lorsqu'elle se sait observée. Cette attitude souvent défiante qui lui permet de se sentir intouchable.
Cela faisait deux semaines à présent qu'il en avait fait son nouveau jouet, tout en subtilité et comme il avait pu le faire avec bien d'autres. Chaque nuance de son port, de sa voix, il les mémorisait instinctivement. Quant à son esprit... il en dessinait à présent les contours malgré les différentes silhouettes qui l'habitaient.

Ralentit le pas tout en plongeant son regard dans le sien, jusqu'à lui faire face. A son salut, répond dans la même lignée. Incline humblement la tête.

"Précieuse".

Se dresse ensuite face à elle, dans une attitude qui a tout de naturel chez lui. Se contente de la fixer, silencieux.

Se force au calme et à la maîtrise de soi alors que son coeur bat à cent à l'heure. Étrange pouvoir qu'il avait sur elle... D'à la fois provoquer les hurlements de son instincts, lui dictant de fuir au loin de cet homme, alors que tout le reste de son être était comme fasciné.
L'amour du jeu, sans aucun doute. C'était du moins ce qu'elle se plaisait à croire.
S'offre le luxe de le détailler un instant en retour, ne cachant pas le plaisir que sa vue lui procure, même si les raisons de cet attrait n'étaient quand à elles pas si évidentes, avant de se détourner pour faire face au panneau.
Jouant la lassitude, à la limite de l'impertinence.

Les sobriquets dont vous nous affublez ne vont-ils donc jamais changer...?

La suit du regard, contemplant son visage avec toujours cette même délectation.

Oh, ils changeront.

Esquisse un sourire amusé. Parle d'une voix calme et douce, au timbre grave.

Je l'espère, du moins.
Il ne tient qu'à vous d'appeler à cette transition. Un jour, sans doute, le comprendrez-vous.

Croise les bras en un geste inconscient de défense.

En bonne élève... Je saurais suivre le chemin qui m'est enseigné.
Aux autres de suivre leurs préceptes et de voir ainsi qu'ils l'enseignent.

Le regarde en coin un instant, comme pour mieux prendre la mesure de ses réactions. Puis inspire, se positionnant plus assurément par la même occasion.
Il y avait comme une interrogation voilée dans son comportement, une attente.

Penche légèrement la tête de côté, si bien que la mèche de cheveux qui recouvre continuellement son oeil droit se déplace dans le mouvement, découvrant à peine la naissance de sa cicatrice aux frontières de son oreille.
Puis met fin au silence en se dotant d'une citation :

'Il existe dans chaque esprit humain de l'imagination, de la sensibilité, du pouvoir créateur, du génie qui, selon les circonstances, peuvent ou se développer ou demeurer cachés derrière un masque de stupidité jusqu'à une autre réincarnation.'

Pleinement conscient de l'effet qu'il produit chez elle, se joue de ses réactions avec un plaisir dissimulé.
Sans un bruit, sa main gauche avait traversé la distance qui la séparait du visage d'Artémis. Ainsi, son index se posa t'il délicatement sous le creux de son menton, caressant la peau jusqu'à ce que la paume soit presque en contact. Accompagne le visage de la jeune fille dans un mouvement inverse, l'obligeant ainsi à le regarder tandis qu'il la détaille dangereusement. Retire sa main, de la même gestuelle immatérielle. Affirme :

Vous vous cachez sous de nombreux artifices, aussi ingénieux soient-ils, mais le mystère que vous aimez à susciter se fera percer tôt ou tard.

Sourit, plaisant.

Je vous encourage vivement à nourrir cette énigme mais ne me faites pas l'affront de sous-estimer ma clairvoyance. Vous êtes trop intelligente pour cela.

Le regard attiré par cette nouvelle difformité dès qu'elle se dévoile, fixe un instant la cicatrice si brièvement révélée. Il y avait quelque chose d'incroyablement fort dans ce simple détail, comme accroc de langage savamment disposé au coeur d'un parfait sonnet et l'élevant par le même au rang d'oeuvre de génie.

Ce n'est qu'au contact de sa main qu'un sursaut la tira de sa contemplation pour la ramener dans l'étau de ce regard. En lutte face à l'irréel de cet instant, se fige sur place, n'osant pas s'élever à son contact comme elle se sentirait capable de le faire.
Toutes ces promesses murmurées... Alors que le contact se rompait, elle laissa son visage retomber un instant. Juste le temps de se retrouver. De ne pas se laisser enchanter si facilement.

Il pouvait bien dire ce qu'elle avait envie d'entendre, elle n'était pas de ces jeunes jouvencelles qui se laissaient piéger au premier tour de passe passe.

Il était trop tot, et elle n'était pas assez forte pour lui opposer une attitude détachée et imposante à souhait, aussi se contenta-t-elle d'un pas de côté.
Mais le regard était là, sans détours ni ronds de jambe.

J'ignore ce que vous cherchez. Mais il n'y a pas un instant où je ne me sois montrée telle que je suis.
S'il en est, un jour, qui deviennent capable d'entendre ce que je cris à la face de chacun, j'en serais la première à me réjouir.

Lui en voulant presque, de supposer le contraire, et de la forcer à renier cette fascination, cette confiance aveugle qu'elle est prête à remettre entre ses mains, lui lance un regard presque grondant.

Les grandes phrases inspirées vous réussissent mieux que les encouragements. Peut-être devriez-vous vous y tenir.

Recule à peine, tout ceci n'était que verbiage à ses oreilles. Remue lestement la main, alors que de sa voix s'élève un ton emprunt d'indifférence :

Encore cette continuelle inaccessibilité teintée d'hostilité, ça en devient presque lassant.

Heureusement, il savait se faire extrêmement patient.
Dans une attitude intimidante :

Vous ne savez pas écouter. Mais je vous apprendrai à le faire. Lorsque vous aurez appris à faire taire votre méfiance - fondée, cela étant - au profit de l'intérêt.

S'écarte, afin de reprendre son chemin, détachant enfin son regard d'elle.
Méprisant :

Vous ne criez rien. Vous êtes seulement capricieuse. Cette attitude vous expose plus que n'importe quelle autre. Comment pouvez-vous attendre de quelqu'un qu'il comprenne ce que vous ne comprenez pas vous-même ?

Tourne la tête vers elle alors qu'une lueur de déception parcoure son regard.

Vous vous croyez grande et importante mais vous n'êtes qu'une imposture. Si vous vous en donnez la peine, un jour vous le deviendrez.

Ricane quant à son attitude, quant à ce qu'il perçoit en elle. Elle était parfaite, absolument parfaite. Peut-être un peu trop élémentaire, mais peu importe. S'il se lassait facilement d'une distraction, il ne renonçait jamais à une obsession. Le regard ancré au sien, lui laisse voir tout le désintéressement qu'entraîne son attitude chez lui. Narquois :

A plus tard, "fillette".
Lorsque tu y seras prête, tu sauras où me trouver.

Pince les lèvres, n'aimant pas du tout le jeu qu'il joue. Se moquer, la traiter de "fillette", son nouveau surnom? tout ça, elle en voyait clairement le but, et se sentait à deux doigts de tomber tout simplement dans le panneau.
Elle aurait pu tout simplement cracher qu'elle n'avait pas besoin de lui, puérilement. Mais elle valait mieux que ça.

Je ne suis pas votre chose. Et ne le serais jamais.

Se met en route, dans la direction d'où vient Barker, et alors qu'elle se rapproche pour le croiser, grandit par toute cette colère contenue, prononce à mi-voix.

Mes actes n'ont rien de l'imposture ni du caprice, et je n'attendrai certainement pas votre approbation pour poursuivre mon chemin.

Alors...

Joue de sa présence le temps d'une courte pause aux côtés de Barker, histoire de bien imprimer chacune de ses paroles dans cet être d'apparence inaccessible.

Soit, vous me faites part de vos commentaires comme le professeur que vous êtes censé être, avec toute la distance que ça implique, soit...

Esquisse un début de sourire provoquant de sensualité, mais ne parvient pas à aller jusqu'au bout. Quelque chose la retenait, comme le trop grand sérieux de la situation. Conclut, trop sérieusement à son gout, et un peu de son assurance la fuyant avec les mots qu'elle avait décidé de prononcer.

Je ne vous laisserai pas vous jouer de moi.

Alors qu'elle réalise qu'elle s'est un peu trop approchée, baisse les yeux le long de ce visage, de cet oeil jusqu'aux lèvres, avant de s'écarter pour reprendre sa route.

Fillette a écrit:

Je ne suis pas votre chose. Et ne le serais jamais.

Se garde de réagir alors qu'un éclat de rire s'élève en lui, si puissant qu'elle en aura peut-être perçu l'intention. Se contente de garder l'oeil fixé sur son visage : le flamboiement de ses cheveux, la clarté de ses yeux, le mouvement imperceptible de son nez lorsqu'elle parle, le caractère de ses tâches de rousseur et la sensualité de sa bouche.
Ses mots n'engendraient aucun retentissement, il la voyait simplement négocier comme elle le pouvait, perdue dans une situation qui lui échappait.

Fillette a écrit:

Je ne vous laisserai pas vous jouer de moi.

Amorce un mouvement du visage, qu'il ne tourne qu'à peine. Quiconque aurait vu son expression en cet instant aurait sans doute fuit le plus loin possible. Ses traits semblaient se déformer en une grimace démoniaque si bien qu'il lui donnait l'allure d'un dément. Sa voix résonna alors en échos irréels, claire et haute bien qu'immatérielle :

Qui essaies-tu de convaincre ?

Il libéra sciemment une aura redoutable. Seulement l'espace d'une seconde. C'est le temps qu'il fallait à la jeune fille pour se demander si ce qu'elle avait ressenti était bien existant.

Subitement, son cœur manqua un battement, comme si on l’avait foudroyé sur place. Figée, elle se retourna vers lui, yeux grands ouverts dans une expression d’effroi difficilement contenu.
Elle resta ainsi un instant, à laisser cette vague la submerger, immobile et silencieuse face au questionnement. Etrangement, sans qu’elle sache d’où cela venait, cette manifestation de pouvoir la ramenait à cette attirance qu’elle ressentait pour cet homme. AU milieu de la peur, une graine de désir poussait insidieusement, jusqu’à éclore bien en vu dans sa conscience. Tout en palpant les contours de cette fleur épanouie, elle baissa le visage, toute à ses considérations. Cet homme était dangereux, aucun doute à présent. Mais elle n’échangerait pour rien au monde cette passion qui l’animait sans cesse contre de la prudence.
Répond finalement, sans un tremblement dans la voix, et toujours tournée de trois quart.

Personne. Je sais ce que je veux, voila tout.

Et en cet instant, il n’y avait qu’une personne pour lui apporter ce qu’elle désirait. Le seul ami qu’elle pouvait se targuer de posséder, et qui la faisait se sentir un peu moins seule et vulnérable.
Mais il n’était pas temps de retrouver cet abri. Avant, elle voulait se réchauffer un peu les ailes au risque de les brûler. Ses lèvres s’arquant en un sourire loin d’être innocent.

Quand bien même devrais-je me jeter dans la gueule du diable… Ce serait pour le plaisir de me voir dérober mon âme et de payer un prix qui dépasse ma peine.

Se permet un rire léger qui sonne angoissé sur la fin, même si son assurance et son impatience ne sont pas feintes.

Ça fait longtemps que j’attends de le rencontrer… Espérons qu’il ne tardera pas à se montrer.

Lui jette un regard en coin, non pas explicite, mais d'échange d'intention.

Demeure immobile, dos à elle, si bien qu'elle ne peut discerner que les contours de son visage. Les effluves de son être lui transperçaient les narines, envahissantes et enivrantes.
Aérien, se meut de façon si subtile qu'il est difficile de percevoir réellement son mouvement. Ne se tourne que de manière à laisser apparaître un peu plus son visage et ainsi, à pouvoir poser un regard ardent sur elle. Le sang qui coulait dans ses veines à demi damnées était en ébullition.
Sa voix s'éleva, sensuelle et chaude au-delà de la menace qu'elle insinuait :

'Pendant que l'âme demande une chose, le plaisir en exige une autre ; ainsi l'âme, devenue captive du plaisir, devient en même temps ennemie de la raison.'

La met en garde :

Méfie-toi des paroles que tu prononces, elles pourraient t'amener sur des sentiers inconnus et périlleux.

En réponse à sa citation, en oppose une qui lui est propre.

L'âme est faite pour brûler de passion, ainsi elle ne peut connaître de prison.

Se retourne vers lui, bien campée cette fois-ci, son emprise ne se faisant plus tant sentir sur elle. Elle se sentait toujours l'envie de faire ses preuves, mais au moins ne se sentait-elle plus diminuée dans ses capacités.
Se retient d'avancer vers Barker, et l'invective de loin.

Quand bien même je ne désirerais pas m'aventurer sur le chemin de tous les dangers... Qui êtes vous pour m'en garder...?

O le doux plaisir de jouer avec le feu... Il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie ainsi vivre. La bataille des émotions la nourrissait, la rendant toujours plus forte.
Susurre alors qu'un sourire moqueur se fraye un chemin sur son visage.

Un jeune homme bien rangé...? OU pire... Un eunuque désintéressé?

S'exclame finalement, comme jetant au loin tout un tas de faux semblants

Au diable vos simagrées! Au mieux voulez-vous que je plonge dans je ne sait quel enfer que vous me réservez...
Et au pire...

D'une voix apaisée, l'envie faisant place à la colère.

J'ignore ce qu'est votre pire.
Mais votre volonté n'est pas de m'en préserver. Alors s'il vous plait... Montrez-moi ce qu'il y a à voir, ou taisez-vous.

Fillette a écrit:

L'âme est faite pour brûler de passion, ainsi elle ne peut connaître de prison.

Tendre naïve. Ne savait-elle donc pas que la plus épouvantable des prisons n'était autre que celle engendrée par la passion ?
Se tourne cette fois complètement vers elle.

Fillette a écrit:

Quand bien même je ne désirerais pas m'aventurer sur le chemin de tous les dangers... Qui êtes vous pour m'en garder...
Un jeune homme bien rangé...? Ou pire... Un eunuque désintéressé?

Esquisse un sourire en coin. Cette effronterie ne faisait que stimuler l'effervescence de ses sens et de son esprit.

Fillette a écrit:

Au diable vos simagrées! Au mieux voulez-vous que je plonge dans je ne sait quel enfer que vous me réservez...
Et au pire...
J'ignore ce qu'est votre pire.
Mais votre volonté n'est pas de m'en préserver. Alors s'il vous plait... Montrez-moi ce qu'il y a à voir, ou taisez-vous.

La fixe, insistant, dérangeant même. Ses yeux glissèrent le long de son visage, parcourant les grains de sa peau qu'il sentait palpables, jusqu'à la naissance de son cou, juste là où le col en dentelle de la jeune fille faisait barrage. Parcoure du regard l'ouverture légère de son habit sur le devant, les courbes de sa poitrine, s'imprégnant de ce qu'il voit de ses formes. Poursuit ainsi sa descente jusqu'à l'ouverture de ses poignets avant de se détourner d'elle sans une attention de plus.
Fait résonner ses pas dans le couloir, partant dans la direction opposée.