S'il m'était conté

Rompue de fatigue, Artémis finit par regagner sa chambre plus tôt que d'habitude, laissant ses camarades à leurs discussions d'étudiants spirituels et éduqués.
Cette journée avait été étrangement éprouvante et avait un goût d'immatérialité depuis cette rencontre avec Barker.
Depuis le début, elle savait qu'il existait comme un lien palpable entre eux deux, et elle s'en réjouissait. Mais aujourd'hui, il avait pris une tournure toute autre qu'elle n'était pas sure de pouvoir apprécier à sa juste valeur.
Sans faire de cas de ses vêtements jetés à même le sol et laissant momentanément ces considérations, elle se déshabilla et enfila une chemise de nuit.
Le temps de détacher ses cheveux et de poser sa baguette sur la table de chevet et elle avait plongée sous les couvertures.
S'abandonnant entre les mains de Morphée, elle ne tarda pas à s'endormir.

C'est dans la pénombre de sa chambre que Nathaniel erre telle une âme en cage. S'il avait pu le deviner la première fois qu'il s'était trouvé en sa présence, il savait maintenant que cette obsession s'était propagée en lui de la même manière que son sang coulait dans ses veines. Sa présence inscrite en lui, son intérêt prenait un nouveau tournant suite à leur entretien singulier.
Clos les yeux dans l'espoir de la trouver. Déploie ses pouvoirs de l'esprit, répondant à son instinct. Sa présence se fit de plus en plus enivrante jusqu'à ce qu'il parvienne à la sentir. Elle ne l'empêcherait pas de pénétrer ses songes, il le savait. Fort de ce savoir, s'insinue en elle telle une ombre immatérielle. Laisse son entité spirituelle murmurer pour lui au creux de son oreille :

Précieuse...

Dans la brume opaque du sommeil, flotte innocemment, au dela des frontière de la conscience.
pour un observateur, dans cette chambre plongée dans la pénombre, il n'y avait que respiration régulière et immobilité apaisante. Rien de perceptible ne venait les troubler, sauf peut-être, une tension impalpable se profilant lentement alors que l'inconscient de la dormeuse se met en branle.
Pour toute réponse à l'appel proféré au delà des mots: l'éveil de l'esprit, et le lent mouvement d'un bras au travers des draps.
Elle écoutait, nul doute, dans l'attente.

Flotte aux frontières de son esprit, présence teintée de douceur et de danger inavoué. Savoure l'instant tel un enfant face à ses cadeaux de Noël, mais pourvu d'intentions bien loin d'être innocentes. Appelle de nouveau, de manière un peu plus prononcée :

Précieuse...

Essence impalpable, se creuse un sentier dans les limbes de son inconscient. Dans une demande informulée, induit en elle la réponse qu'il attend : sentait-elle sa présence ?

pour unique réponse formulée, soupire doucement, exhalant toute retenue alors qu'elle le sent approcher.
Elle l'avait reconnu, elle l'avait attendu même, seule depuis trop longtemps. mais pour l'heure, il restait comme hors de vue.
Où était-il? Questionnait-elle, l'impatience au ventre.
Ce surnom murmuré au creux de son oreille avait pour l'heure des allures de douce torture.

Étend l'ombre de son être pour s'immiscer plus profondément en elle. L'écho de sa voix se faisait plus distinct :

Je suis ici, tout prêt de toi.

Soulagée, retrouve la douceur de l'apaisement alors que la présence se matérialise. Elle ne pouvait toujours pas le voir, mais elle le sentait avec assurance tout autour de son être.
Les contours, la substance, tout ça ne répondait plus à aucune règle, elle se contentait de savoir: il était là.
A ce tâtonnement, apporte la force de sa présence pour le rendre plus réel.
Et l'interroge: qu'attendait-il d'elle?

Apporte une réponse simple à cette interrogation :
A présent maître de son esprit, s'insinue lentement au sein de ses veines, telle une flamme délicate et ardente. Se fait caresse exquise parcourant les courbes de son corps ; souffle sensuel chuchotant au creux de sa peau ; présence aérienne enveloppant son être tout entier.

Tendant l'oreille par habitude, pour entendre ce qui pourrait être chuchoté, frémi de surprise en réalisant que la réponse sera toute autre.
Retient son souffle un instant, lèvres entrouvertes pour mieux gouter de ce nectar vaporeux et épicé.
Incapable de la moindre résistance, ne peut qu'être spectatrice des réactions de son corps. Le moindre de ses sens éveillé, se laisse emporter avec toute l'ivresse de l'abandon par cette chaleur laissant présager du plus fort des brasier.
Savoure jusqu'à l'écho de ses battements de coeur, patiente et soumise. Même si avec certaines limites.

Approche... Plus près...

Entité illusoire, accroît la force de sa présence jusqu'à se faire presque palpable. Ombre inflammable voyageant dans ses veines, s'embrase soudain avec l'intensité d'un désir passionnel. Prend possession de son âme pour l'élever jusqu'à l'exaltation de ses sens sans jamais la laisser atteindre les sommets.
Écho vivant, susurre d'une voix grave et imposante :

Es-tu prête à aimer ?

Puis disparait brutalement, ne laissant qu'un vide froid là où tout n'était que brasier.

Cherchant à se redresser pour répondre à l'étreinte promise, fébrile, n'en tombe que de plus haut alors que la présence l'abandonne.
C'est le coeur battant d'un désir toujours croissant qu'elle s'éveilla, yeux grand ouvert sur la nuit.
Seule.
La réalité la frappa de plein fouet, éclatant le rêve en autant de bribes possédant chacune leur force propre.
Les mots prononcés résonnèrent un instant dans son esprit avant de s'évanouir, vaincus par le silence oppressant.
Peine à retrouver son calme alors qu'un visage la hante.
Lentement, roule sur le côté et se met en chien de fusil.
Quel rêve étrange et perturbant... Même si elle devait s'avouer ne pas être plus étonnée que ça.
Ferme les yeux, une boule de désir perdurant au creux de son être, palpitante et insidieuse pendant qu'elle convoque ces sensations délicieuses et oniriques pour mieux la bercer.
Le jour venu, elle s'offusquerait, ou quoi que ce soit d'autre qu'il soit avisé de faire. Pour l'instant, elle savourait.

Dans la pénombre de la chambre de Nathaniel, un corps s'effondre. Quelle douce torture que cette envolée lyrique au coeur de la démence...
Sa présence évanescente brûlait en chacune de ses cellules, à le rendre ivre de désir pour elle. Arqué, au sol, résiste à la douleur qui s'empare d'une partie de son être, ne songeant qu'au souvenir éphémère de cette union spirituelle et interdite. Les muscles de son bras droit et de sa jambe devenaient autant de lames décidées à lui transpercer le corps, pourtant il riait aux éclats dans une distorsion de traits effrayante.
Cette proie là se dessinait toute particulière. Tout en elle la lui rappelait et il sombrerait dans ce délire qui lui avait déjà tant coûté avec délice.

Le matin venu.

Les draps particulièrement en désordre, et les boucles en pagaille, se réveille à la caresse du soleil.
Que d'agitation durant son sommeil... ça expliquait sûrement qu'elle se sente si peu reposée malgré l'heure tardive.
C'est en balançant les jambes hors du lit que le souvenir de ce rêve si particulier lui revient. Un instant, elle se frotta le visage, n'assumant pas tout à fait.
Un rire chargé d'ironie et de lassitude lui secoua quelques instants le corps.
un rêve érotique... Elle voulait bien. Avec ce professeur, aussi. Mais d'une telle intensité, c'était troublant. Son subconscient lui jouait des tours ou alors, elle avait bien sous estimé le pouvoir de suggestion de cet être aux allures de vampire.

Es-tu prête à aimer...?

Pourquoi cette question? Surtout quand avec cet homme il ne pouvait certainement pas être question d'autre chose que d'attirance physique à la limite du bestial.

Rit encore un peu à cette pensée quelque peu osée. Qu'est-ce qui lui arrivait...?! Elle se sentait le coeur revivre alors que ce n'était qu'un rêve. Elle sentait sa passion se déchaîner alors qu'il n'y avait là nulle raison.

Souffle.

il fallait se reprendre... Fort heureusement, elle n'avait cours que la semaine prochaine dans cette option, donc tout le temps de faire taire cette voix qui s'élevait pour lui rappeler son rêve. Il fallait juste éviter de le croiser d'ici là.
Va pour se doucher et laisser les brumes du sommeil derrière elle.

Le lendemain, se réveille apathique de sa faiblesse de la veille. Faire montre de ses pouvoirs de la sorte l'avait affaiblit, car ils lui avaient demandés des ressources que son corps ne pouvait plus supporter de la même façon que lors de sa jeunesse.
Quitte le château afin de partir en chasse. Sa frustration l'emportant une fois de plus sur la raison. Il en avait besoin, pas parce que ses veines le lui réclamaient mais parce que ses pulsions devaient être assouvies.
Se rend dans la capitale, là où il est certain de trouver ce qu'il lui faut.